Un mécanisme de suicide bactérien nouvellement caractérisé pourrait être mis à profit pour le développement de nouveaux antibiotiques... un événement attendu avec grande impatience dans le monde médical.
Alors que pèse la menace d'une pénurie d’antibiotiques efficaces et que les infections de bactéries multirésistantes
se multiplient, un nouveau mécanisme naturel de mort bactérienne
pourrait devenir une cible de choix pour le développement de nouveaux
médicaments. C’est du moins l’avis des scientifiques du Max Planck Institute for Medical Research à Heidelberg, qui ont publié leurs étonnants résultats dans la revue Plos Biology.
Ils se sont intéressés à un mécanisme particulier de
suicide bactérien, induit en conditions de stress, un peu comme le font
les cellules humaines par apoptose pour protéger le reste de l’organisme d’un possible cancer. Ce mécanisme, observé chez la majorité des bactéries, est régulé par un système toxine-antitoxine.
Il s’agit d’un duo de gènes placés côte à côte (un opéron) qui codent l’un pour un poison (une toxine) et l’autre pour son antidote (une antitoxine). En temps
normal, la synthèse de la toxine à l’intérieur de la cellule
bactérienne n’a pas d’effet, si tant est que l’antitoxine (qui inhibe
l’action de la toxine en la dégradant ou en empêchant sa production) est
synthétisée simultanément. Mais dès que l’antitoxine ne peut plus être
produite ou est dégradée, la toxine prend le dessus et provoque des dégâts si importants qu’ils entraînent la mort de la cellule.
La molécule UNAG entre parfaitement dans le site actif de la toxine PezT pour y être phosphorylée. © Plos Biology
Parmi de tels systèmes, le duo epsilon-zeta (appelé système PezAT pour Pneumococcal epsilon zeta Antitoxin Toxin) est présent chez de nombreuses bactéries pathogènes (streptocoques, entérocoques) impliquées dans les méningites ou les pneumonies.
Bien connu depuis une vingtaine d’années, le mécanisme d’action de
PezAT restait pourtant encore mystérieux. Pour mieux le comprendre, les
scientifiques ont tenté de le décortiquer chez la fameuse bactérie
modèle, Escherichia coli, en lui faisant exprimer artificiellement le gène toxique : PezT.
Les chercheurs ont remarqué que l’induction de l’expression d’une protéine PezT légèrement mutée (tronquée des onze derniers acides aminés),
de façon à la rendre moins toxique, induit un défaut de division
cellulaire menant au bout d’une heure à une mort massive des bactéries.
La forme des cellules en détresse ressemble fortement aux sphéroplastes,
des cellules dépourvues de paroi cellulaire, observées lors de leur
exposition à un antibiotique du type β-lactame (pénicilline, ampicilline…) qui inhibe la synthèse des peptidoglycanes (les éléments de base de la paroi cellulaire).
La toxine inhibe la formation de la paroi cellulaire
Les scientifiques ont alors supposé que la toxine
devait avoir une action similaire... et ont eu raison ! En effet, ils
ont pu prouver que la toxine PezT empêche la formation de la paroi en
induisant la phosphorylation
de l’UNAG (l’uridine diphosphate-N-acétylglucosamine) en UNAG-3P. Cette
subtile modification prend tout son sens dans la cellule, car UNAG, qui
participe de près à la construction des parois cellulaires, n’a pas les
mêmes propriétés que son homologue modifié. UNAG-3P s’accumule alors
dans la cellule de façon stable et devient toxique en inhibant les enzymes bactériennes impliquées dans la construction de la paroi, qui utilisent en temps normal la molécule UNAG.
Selon les auteurs de l'article, la découverte des
propriétés de l'UNAG-3P est un premier pas qui permet d'espérer le
développement de molécules à but thérapeutique qui mimeraient son mode
d'action. Une nouvelle classe d'antibiotiques pourrait alors bientôt faire surface, et serait d'ailleurs plutôt bienvenue...
Alors que pèse la menace d'une pénurie d’antibiotiques efficaces et que les infections de bactéries multirésistantes
se multiplient, un nouveau mécanisme naturel de mort bactérienne
pourrait devenir une cible de choix pour le développement de nouveaux
médicaments. C’est du moins l’avis des scientifiques du Max Planck Institute for Medical Research à Heidelberg, qui ont publié leurs étonnants résultats dans la revue Plos Biology.
Ils se sont intéressés à un mécanisme particulier de
suicide bactérien, induit en conditions de stress, un peu comme le font
les cellules humaines par apoptose pour protéger le reste de l’organisme d’un possible cancer. Ce mécanisme, observé chez la majorité des bactéries, est régulé par un système toxine-antitoxine.
Il s’agit d’un duo de gènes placés côte à côte (un opéron) qui codent l’un pour un poison (une toxine) et l’autre pour son antidote (une antitoxine). En temps
normal, la synthèse de la toxine à l’intérieur de la cellule
bactérienne n’a pas d’effet, si tant est que l’antitoxine (qui inhibe
l’action de la toxine en la dégradant ou en empêchant sa production) est
synthétisée simultanément. Mais dès que l’antitoxine ne peut plus être
produite ou est dégradée, la toxine prend le dessus et provoque des dégâts si importants qu’ils entraînent la mort de la cellule.
La molécule UNAG entre parfaitement dans le site actif de la toxine PezT pour y être phosphorylée. © Plos Biology
Parmi de tels systèmes, le duo epsilon-zeta (appelé système PezAT pour Pneumococcal epsilon zeta Antitoxin Toxin) est présent chez de nombreuses bactéries pathogènes (streptocoques, entérocoques) impliquées dans les méningites ou les pneumonies.
Bien connu depuis une vingtaine d’années, le mécanisme d’action de
PezAT restait pourtant encore mystérieux. Pour mieux le comprendre, les
scientifiques ont tenté de le décortiquer chez la fameuse bactérie
modèle, Escherichia coli, en lui faisant exprimer artificiellement le gène toxique : PezT.
Les chercheurs ont remarqué que l’induction de l’expression d’une protéine PezT légèrement mutée (tronquée des onze derniers acides aminés),
de façon à la rendre moins toxique, induit un défaut de division
cellulaire menant au bout d’une heure à une mort massive des bactéries.
La forme des cellules en détresse ressemble fortement aux sphéroplastes,
des cellules dépourvues de paroi cellulaire, observées lors de leur
exposition à un antibiotique du type β-lactame (pénicilline, ampicilline…) qui inhibe la synthèse des peptidoglycanes (les éléments de base de la paroi cellulaire).
La toxine inhibe la formation de la paroi cellulaire
Les scientifiques ont alors supposé que la toxine
devait avoir une action similaire... et ont eu raison ! En effet, ils
ont pu prouver que la toxine PezT empêche la formation de la paroi en
induisant la phosphorylation
de l’UNAG (l’uridine diphosphate-N-acétylglucosamine) en UNAG-3P. Cette
subtile modification prend tout son sens dans la cellule, car UNAG, qui
participe de près à la construction des parois cellulaires, n’a pas les
mêmes propriétés que son homologue modifié. UNAG-3P s’accumule alors
dans la cellule de façon stable et devient toxique en inhibant les enzymes bactériennes impliquées dans la construction de la paroi, qui utilisent en temps normal la molécule UNAG.
Selon les auteurs de l'article, la découverte des
propriétés de l'UNAG-3P est un premier pas qui permet d'espérer le
développement de molécules à but thérapeutique qui mimeraient son mode
d'action. Une nouvelle classe d'antibiotiques pourrait alors bientôt faire surface, et serait d'ailleurs plutôt bienvenue...